Mon petit sondage sur la question de la légalisation indiquant une majorité de lecteurs en faveur de la légalisation, je me suis dit que c’était un bon moment pour reparler de la question (et pour changer le sondage aussi ;).
Coup de pot, je suis tombé sur un texte qui le fait très bien pour moi. Il s’agit de la préface à l’édition catalane du livre de Richard Poulin : « Abolir la prostitution » – Une question en suspend pour le féminisme et pour la gauche. C’est un peu long (et réformiste), mais c’est très intéressant.
Je m’en tiendrai ici à trois remarques.
- D’abord, comme le rappelait Mauro dans les commentaires de mon précédent billet sur la question, ce débat tend à être enfermé dans le cadre restreint du réformisme dans un Etat bourgeois, patriarcal et capitaliste. Autant dire que les “solutions” présentées seront difficilement révolutionnaires.
- Ensuite, sur la pratique sexuelle de la prostitution, il me semble à la réflexion qu’il s’agit en fait d’une forme de masturbation dominatrice: seul le client en retire du plaisir, et pour ce faire il doit asservir un autre être humain. J’ai peut-être raté un humanisme caché dans la jouissance de l’usage d’un autre individu, auquel cas il ne faudrait pas hésiter à m’éclairer.
- Enfin, il me semble que la défense de la prostitution à gauche n’est possible que parce qu’une bonne partie de cette gauche a abandonné la lutte contre une forme d’asservissement de masse dans notre société, le salariat, et ne se contente plus que de vouloir améliorer les conditions de cet asservissement. Dans cette optique, il s’agit simplement de considérer les prostituées comme des prolétaires comme les autres ((ce qui ne me paraît déjà pas correct en soi.)), alors qu’elles semblent plus rentrer dans le cadre de l’individu-entreprise ((plus sur ce sujet dans un autre billet si je trouve le temps et la volonté, ce qui, je te l’accorde, n’est pas gagné en ce moment…)).
Bref, je reste persuadé que la défense de la légalisation de la prostitution (et donc, in fine, de la prostitution elle-même) est difficilement compatible avec les idéaux de la gauche (révolutionnaire) et, même si je reste circonspect sur l’abolitionnisme réformiste, je pense que cette approche a au-moins le mérite de poser la question de la domination de genre dans notre société. Question qui n’est pas posée par les autres approches (réformistes) de la question de la prostitution.
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Je rappelle que ce débat a été initié par l’article d’Eponine Cynidès: Prostitution : légalisation ne rime ni avec libération ni avec protection dans le Journal Indépendant et Militant.
(fin de la parenthèse publicitaire ;))