Ce qu’il y a de bien avec les libéraux, c’est qu’ils sont parfois tellement caricaturaux qu’il est impossible de les prendre au sérieux…
Tenez, par exemple, grâce à l’inénarrable Grand Barnum (dont on se dit, à voir l’anticommunisme primaire, qu’il a dû être maltraité par un instituteur communiste à l’école) j’ai pu découvrir certains articles de la poilante revue Contrepoints ((dont le slogan est “le nivellement par le haut” mais il ne doit pas s’agir de niveau intellectuel a priori…)).
Par exemple celui-ci, sobrement intitulé: Hitler et le Che, deux faces d’une même pièce d’un certain Manuel Llamas. On sait que les néo-cons ont tendance à renvoyer dos à dos nazisme et communisme en raison des crimes perpétrés par ces régimes; mais ici, on va encore plus loin.
On y apprend que “en réalité, communisme, fascisme et nazisme forment un front commun. Ils sont, par essence, des manifestations diverses de la pensée anticapitaliste la plus extrême.” ou que “la colonne vertébrale des communistes et des nazis n’est ni plus ni moins que leur socialisme idolâtré.”
Mais attention, hein, c’est un article sérieux, l’auteur avance des justifications à ces raccourcis historiques: “Ainsi, il suffit de lire les allégations ((ALLÉGATION, subst. fém.: Affirmation, assertion (mal fondée, voire mensongère). Autant dire que l’auteur ne semble guère y croire lui-même…)) anticapitalistes des leaders nazis pour vérifier le germe purement socialiste du totalitarisme hitlérien.” (suivent 4 citations non sourcées et donc totalement invérifiables, et d’ailleurs introuvables sur le web).
L’auteur termine tout en délicatesse: “pourquoi les jeunes anti-système n’impriment pas le visage du Führer sur des chemisettes rouges avec une svastika en fond, dans le plus pur style Che Guevara. Pourquoi cette discrimination, si, en fin de compte, Hitler et le Che poursuivaient la même fin, employant, en plus, des méthodes si semblables ?”
Adolf Hitler communiste? S’il en avait une, il serait en train de se retourner dans sa tombe. Pour donner juste une illustration de son “communisme”, faut-il rappeler qu’il conservait une photo d’Henry Ford dans son bureau:
“I regard Henry Ford as my inspiration,” Hitler told a Detroit News reporter two years before becoming the German chancellor in 1933, explaining why he kept a life-size portrait of the American automaker next to his desk. ((“”Je considère Henry Ford comme mon inspiration,” a déclaré Hitler à un journaliste du Detroit News deux ans avant de devenir le Chancelier allemand en 1933, expliquant pourquoi il conservait un portrait de taille grandeur nature du constructeur automobile américain à côté de son bureau.” Et comme je ne suis pas libéral, je me permets de donner la source: cet article du Washington Post, journal communiste bien connu.))
Nul doute que Ford devait être un patron crypto-marxiste. Tout comme devait l’être le grand-père du président Bush, ou les grandes entreprises allemandes (IG Farben, Krupp Ag, BMW, Mercedes-Benz, Volkswagen,…), etc. En fait, il ne fait aucun doute que tout le monde sont communiste, en-dehors d’une poignée de vaillants chevaliers libéraux se battant sans relâche pour la liberté et la démocratie (libérale bien sûr – peut-il d’ailleurs en exister une autre?).
Dans la même veine, on peut lire un compte-rendu du dernier livre de Vargas Llosa dans un article intitulé: Le bon sens contre l’utopie ((Evidemment, le bons sens libéral est celui qui trouve normal qu’1% de la population détienne la majorité des richesses.)) signé Bogdan Calinescu.
Il cumule les poncifs habituels: “il dénonce avec multiples arguments les ravages de l’étatisme et du socialisme en Amérique latine et fait l’éloge de la liberté économique.”, “Vargas Llosa en personne a été candidat libéral aux présidentielles péruviennes de 1990. Son programme économique était on ne peut plus reaganien.” (“He proposed a drastic economic austerity program that frightened most of the country’s poor; this program emphasized the need for privatization, a market economy, free trade, and most importantly, the dissemination of private property.“).
On y apprend que “Les parties [du livre] sont consacrées à la plaie de l’autoritarisme en Amérique latine”. Mais attention ami lecteur, l'”autoritarisme” dont on parle n’est pas celui des Pinochet, Somoza, des généraux Argentins, Brésiliens, ou autres (ces gens-là ne pratiquaient au fond qu’une démocratie un peu rugueuse n’est-ce pas, d’ailleurs n’étaient-ils pas défendus par les Etats-Unis de Reagan, inspiration de l’auteur?); mais bien de “la dictature « parfaite » du PRI au Mexique”, parti dont on apprendra qu’il a une “idéologie marxiste”, ce qui ne l’empêchera pas de signer l’accord de libre-échange Nord-Americain en 1992 (décidemment, même les marxistes ne sont plus ce qu’ils étaient), accord qui sera à l’origine de la révolte zapatiste de l’EZLN. En parlant des zapatistes, on découvrira “l’épuration ethnique menée par le sous-commandant Marcos en Bolivie” (?!?) Etonnant, sachant, par exemple qu’il a refusé de se rendre à l’intronisation d’Evo Morales à la présidence de Bolivie ((Lire cet article du Monde Diplomatique)).
L’article s’achève en mentionnant la “Très intéressante l’analyse que l’auteur consacre à l’Argentine, l’un des pays les plus riches du continent et qui est tombé dans le coma économique.” mais, comme c’est étonnant, sans en expliquer l’origine. Peut-etre pour éviter de rappeler qu’une grosse partie de la dette a été contractée sous la dictature, alors que “La junte poursuivit une restructuration néolibérale de l’économie, inspirée par le monétarisme“?
C’est sans doute le plus tragique pour ces libéraux pur-jus, que l’histoire ne cesse de les contredire; mais nul doute qu’il s’agisse encore d’un complot communiste (ils sont partout!). Vivement qu’elle soit liberalisée pour qu’elle puisse enfin correspondre à leurs théories…